Projets

Jean-Michel Charlier était un créateur et un lanceur de projets. Lorsqu’il contactait un nouveau dessinateur pour proposer une collaboration en BD, il lui soumettait non pas un, mais deux ou plusieurs thèmes possibles. Mais il n'y a que 24 heures dans la journée et il ne pouvait pas tout faire. D'autre part, des projets n'ont pas vu le jour, contrecarrés par divers aléas ; certains n'ont pas abouti tout simplement en raison de son décès. En voici une liste non exhaustive. BD Presse Télévision Cinéma

Un extrait, inédit, d'un scénario d'aviation en quatre planches, proposé à Victor Hubinon, qui ne l'a jamais mis en image. Nous ne connaissons pas le détail du projet visé : date, nom du journal, etc. Parfois, Jean-Michel Charlier confie à d'autres scénaristes des thèmes de séries qu'il n'a pas le temps d'écrire : Ce serait Jean-Michel Charlier qui aurait donné l'idée à Guy Vidal de créer pour Okapi la série sur les Médecins sans frontière (avec Jean-Pierre Gibrat au dessin). JMC aurait influencé François Corteggiani au moment de la création de la série sur la maffia italienne De Silence et de sang, avec Marc Malès (éditions Glénat). JMC avait le projet de relancer : La série Marc Dacier avec le dessinateur d'origine, Eddy Paape. Il était en pourparlers avec deux ou trois éditeurs différents, le mieux placé étant sans doute Michel Lafon, fan de Marc Dacier. La série Jacques Le Gall (avec vraisemblablement Jean-Charles Kraehn ; le personnage aurait été modernisé et ne se serait plus baladé habillé d'un short ni avec des cheveux coupés ras). JMC avait le projet de lancer : Une série moyenâgeuse avec Patrice Pellerin, à l'époque où ce dernier reprenait la série Barbe-Rouge (l'épisode Trafiquants de Bois d'ébène), au début des années 1980. Une série documentaire adaptant en BD ses Dossiers noirs. Des scénarios ont été écrits, à la fin des années 1970 pour Glénat (dessinateur pressenti : Florenci Clavé). Puis pour d'autres éditeurs (avec entre autres dessinateurs David Prudhomme - voir ci-dessous l'assassinat de Martin Luther King). Une autre adaptation de ses Dossiers noirs a vu le jour, mais sous forme de récits illustrés (avec le dessinateur Pierre Brochard, qui entama une fresque sur l'assassinat de Kennedy - mais qui malheureusement avait des problèmes de vue à la fin de sa vie ; il est décédé quelques années après Jean-Michel Charlier). Les essais de David Prudhomme : ci-dessus la planche 1A, ci-dessous le crayonné de la 3A. Dans les années 80, JMC réfléchissait à la création d’une série de science fiction, basée sur des données techniques d’avant-garde et sur la prospective scientifique. Pas de projet concret ni bien avancé. Jean-Michel Charlier était en train d'écrire des scénarios de BD lorsqu'il est décédé. Certains ont été poursuivis, d'autres sont restés dans les tiroirs. Voici ceux qui n'ont pas été poursuivis : Une série de fiction sur l'espionnage, avec le dessinateur Daniel Ceppi. Cela se passait à Berlin, avant la chute du "mur de Berlin" (puisque celui-ci a été symboliquement abattu à l'automne 1989, quelques semaines après le décès du scénariste). Une huitaine de planches ont été écrites et dessinées. Série Tanguy et Laverdure : 4 premières planches d'une nouvelle histoire pour Alexandre Coutelis, le dernier dessinateur de la série du vivant de JMC. Les quatre planches ont été dessinées et mettaient en scène Tanguy et Laverdure redevenant pilotes de chasse à Dijon, cette fois sur Mirage 2000. Un projet de Jean-Michel Charlier avec Alexandre Coutelis était de transformer les deux héros en spationautes à bord de la navette spatiale française Hermès - projet tombé à l'eau après l'arrêt du programme Hermès (la série T&L est aujourd'hui reprise par un nouveau scénariste et un nouveau dessinateur). Extrait d'une des quatre planches du début d'un nouvel épisode de Tanguy et Laverdure ; dessins d'Alexandre Coutelis, qui ne pourra poursuivre la série après le décès du scénariste. Série Buck Danny, titre les Oiseaux noirs. Scénario écrit jusqu'à la planche 23, dessiné jusqu'à la planche 16. Histoire interrompue, personne ne sachant le sujet imaginé par JMC. Série Michel Brazier. Pas de titre à la première histoire, publiée en 1979 dans Spirou, mais pas poursuivie ; quelques planches de l'épisode suivant écrites, mais sans doute pas dessinées. JMC ayant cessé d'écrire pour André Chéret, la série a été interrompue. A signaler que Jean-Michel Charlier a volontairement cessé d'écrire pour Michel Tacq les épisodes de La Patrouille des Castors ; la participation du scénariste dans l'épisode Prisonniers du large s'arrête à la planche 9 ; la suite est due à Mitacq lui-même (la série existe mais n'est plus poursuivie, le dessinateur étant lui aussi décédé, à la fin des années 1990). Dans les albums qui ont été publiés après sa mort et dont le scénario avait été repris par quelqu'un d'autre, la partie "Charlier" s'arrête à : Série Blueberry, titre Arizona Love : planche 22 (mais quelques pages parmi ces 22 ont été modifiées par le dessinateur/scénariste Jean Giraud) ; Série La Jeunesse de Blueberry, titre Le Raid infernal : deuxième vignette de la planche 28. François Corteggiani, qui a succédé à JMC, a aussi légèrement modifié le texte de deux ou trois phylactères dans les planches précédentes pour adapter la suite. Série Barbe-Rouge, titre Pirates en mer des Indes : peu avant la planche 22 (reprise due à Jean Ollivier). Série Jim Cutlass, titre L'homme de la nouvelle Orléans : planche 36 (reprise du scénario par Jean Giraud). Série Los Gringos, titre Viva Adelita : planche 13 (reprise du scénario par Guy Vidal). Le Supplément illustré et Radio-Télé A partir de 1956, Jean-Michel Charlier, René Goscinny et Albert Uderzo sont libérés contre leur gré de l’agence World’s Press. Associés à un ex-employé de la World, Jean Hébrard, ils créent l’agence Edi-France/Edi-Presse, à la double activité (publicité et presse). Dans leur quête de financiers pour lancer un journal de bandes dessinées en sus des Pistolin et Clairon déjà en route depuis l’année précédente, ils proposent divers projets sponsorisés par des marques. Certains marchent plus ou moins longtemps : Milliat Frères magazine, Corn Flakes magazine, Jeannot... Un autre projet, imaginé par JMC sur le modèle des suppléments BD du week-end dans les quotidiens américains, devait s’appeler Le Supplément illustré. Le trio d’auteurs, ainsi que plusieurs de leurs amis, préparent la première planche de diverses séries, dans un format inhabituel, tout en longueur. On y trouve par exemple une BD de Morris, le dessinateur de Luky Luke ; une autre d’André Franquin (Mimile, qui préfigure Gaston Lagaffe) ; une autre encore de Peyo (futur auteur des Schtroumpfs), etc. De son côté, JMC imagine les débuts d’une histoire d’aviation militaire (Marc Laurent, avec Uderzo, qui préfigure, avec deux ans d’avance, la série à succès Tanguy et Laverdure), une de cape et d’épée (avec Jijé), etc. Mais ce projet ne va pas plus loin qu’un numéro «zéro». Seules deux BD pour Le Supplément existeront, mais ailleurs et sous un autre format : c’est l’histoire à l’eau de rose Clairette, avec Uderzo encore, et Marlène (de Goscinny et Will), qui paraîtront dans le nouveau (et éphémère) hebdomadaire Paris-Flirt. Un autre projet ne verra pas non plus le jour : un supplément sur les programmes de radio et de télévision : Radio-Télé. Voici le graphisme du titre du numéro 0 du Supplément illustré, 1956. La véritable histoire de D'Artagnan, scénarisée par JMC et dessinée par Jijé, a été présentée dans Le Supplément illustré, un projet de la société Edifrance (créée en 1956 par Charlier, Goscinny, Uderzo et Jean Hébrard, leur partenaire en affaires). Ce numéro 0 n'a pas dépassé le stade de la maquette. Une seule planche, de ce format tout en longueur, a été dessinée (nous n'en montrons pas la troisième bande). Première mouture de Clairette pour le projet Le Supplément illustré. Cette BD sera publiée, après adaptation du format et réécriture du scénario, dans Paris-Flirt. Le thème d'une bande dessinée d'aviation militaire due à Jean-Michel Charlier et à Albert Uderzo (bien avant qu'ils ne créent Tanguy et Laverdure) a été réutilisé après le projet "Supplément illustré". Voici, ci-contre, la planche 1 de l'aventure Banjo 3 ne répond plus, remontée en 1959 dans un autre format, pour la maquette d'un numéro 0 de ce qui deviendra le magazine Pilote. Un montage BD pour un projet de reprise, dans Le Supplément illustré, du roman Jim Flokers, avec le même dessinateur - Albert Uderzo - qui en avait réalisé les illustrations. A noter, dans le dernier dialogue de cette demi-planche, la référence aux monts de la Superstition. Jean-Michel Charlier en reparlera à deux reprises dans sa série Blueberry, en particulier le fameux épisode La mine de l'Allemand perdu et sa suite Le spectre aux balles d'or (dans la description du roman Jim Flokers, nous annonçons le titre d'une histoire non publiée de ce personnage : L'énigme de la mine perdue...). Comme quoi notre scénariste avait de la suite dans les idées... Et comme quoi il avait déjà raconté des histoires se déroulant dans le Far West, bien avant la création de Blueberry, contrairement à ce qu'il a toujours affirmé (voir aussi un autre roman : Tempête à l'Ouest). Jean-Michel Charlier, dans les années 1970 et 1980, avait le projet de créer une revue de bandes dessinées hebdomadaire pour les jeunes. Sa principale idée était de la faire sponsoriser par des marques publicitaires, ou de la faire distribuer gratuitement dans les grandes surfaces. Les maquettes d'au moins deux projets - dont celui d'une revue provisoirement intitulée Extra, datant de 1982 - ont vu le jour. Pas de suite. Fiction Divers épisodes de la série de fiction Les Chevaliers du ciel ont été écrits, ou au moins envisagés, mais semble-t-il jamais mis en images. Une quatrième série, à la suite des trois premières de 1967 à 1969, avec pour acteurs Jacques Santi et Christian Marin, était prévue, mais un grave accident de la route avait défiguré Jacques Santi. Par ailleurs, des tournages ont été prévus en Italie, en Grèce, et auraient été prévus en Iran (mais la révolution iranienne de 1979 fera tout capoter définitivement), etc. Une série télé avec le personnage du lieutenant Blueberry, en trois épisodes seulement, était envisagée vers le milieu des années 1980. Des débuts de scénarios ont été préparés. Une première série télévisée préfigurant les Chevaliers du ciel aurait pu se faire au tout début des années 1960, mais la maison de production a fait faillite. Une série pour la télévision suisse, au début des années 1970, reprenant le thème de la Patrouille des Castors et de Jacques Le Gall ; les héros auraient été un groupe de jeunes gens et non plus des scouts. Documentaires Dans une interview donnée au milieu des années 1980, Jean-Michel Charlier déclara avoir constitué 150 dossiers dont il pourrait tirer des documentaires pour la télévision. Plus de quarante ont été tournés. Voici d'autres sujets inédits. Des documentaires pour ses Dossiers noirs : - sur Hanna Reisch, une femme pilote d'essais allemande, proche de Hitler. Le manque de temps d'une part, puis le décès de cette femme en septembre 1979, ont remis à plus tard la réalisation. Voir le document ci-contre (photo X, via Musée de l'air et de l'espace). Hanna Reisch a été le principal modèle de Lady X, personnage de pilote ennemi de Buck Danny dans la fameuse série d'aviation en BD.   - la naissance et la montée du nazisme. L'émission était envisagée pour 1989, année du centenaire de la naissance de Hitler (mais JMC est décédé cette année-là). - Raspoutine. Cette émission, prévue au milieu des années 1980, aurait été réalisée à partir des souvenirs de la fille de Raspoutine, avec qui JMC était entré en contact. - Jean-Michel Charlier évoqua dans une interview l'affaire Ben Barka (opposant marocain mystérieusement disparu en 1965), mais pour dire qu'il ne pourrait rien tourner ; la censure et les pressions l'empêcheraient d'aller au bout de son enquête. Un documentaire sur la piraterie maritime. Un documentaire sur les "fortunes de mer" (les accidents, naufrages et disparitions de navires). Son dernier grand projet était une série documentaire sur les grandes civilisations disparues, son dada à la fin de sa vie (et sans doute une préoccupation qui lui tenait à coeur depuis longtemps, à preuve sa série de textes sur le même thème dans Pistolin : voir à Récits illustrés). Au tout début des années 1970, grâce au succès de la série télévisée Les Chevaliers du ciel, Jean-Michel Charlier négocie le tournage d'un film long-métrage adaptant Tanguy et Laverdure au cinéma. Des discussions ont lieu mais, lors d'un tour de table, l'éditeur de la BD, Georges Dargaud, refuse d'apporter son financement. Le projet tombe à l'eau. Ce sera l'une des causes du départ du scénariste de la maison d'édition. Dans les années 1970, un projet de film d’aventures avec JMC au scénario est lancé par le réalisateur Patrice Leconte (qui fut auteur de BD dans le magazine Pilote, quand JMC était un des responsables éditoriaux). L’acteur devant incarner le héros aurait dû être Lino Ventura. Le scénario a été entamé, mais il n’y a pas eu de suite. Au milieu des années 1980, après le succès du film Pirates de Roman Polansky, des producteurs se sont mis en tête d'en réaliser un avec le personnage de Barbe-Rouge. Un certain nombre de rencontres ont eu lieu entre ces producteurs et JMC, parfois accompagné de l'un des deux dessinateurs de la série, Patrice Pellerin. Mais rien n'a abouti car on s'est vite aperçu que la reconstitution d'un seul voilier de l'époque coûterait beaucoup trop cher ; en outre, il aurait fallu plusieurs de ces bâtiments... Signalons par ailleurs l'adaptation en dessin animé de la série Barbe-Rouge, sous ce même titre générique, en plusieurs épisodes, au début des années 2000 - soit plus de dix ans après le décès de JMC. Librement inspiré de la BD, diffusé à la télévision puis commercialisé sous forme de DVD, ce dessin animé de Jean Cubaud voit l'introduction d'un personnage féminin qui prend parfois le pas sur les héros masculins. Une des plus harassantes tentatives de JMC au cinéma fut l’adaptation de sa série Blueberry. Divers projets eurent lieu entre les années 1970 et jusqu’à pratiquement l’année de son décès (1989), avec des tournages prévus selon les cas tantôt au Mexique, tantôt en Espagne... Dans le projet le plus avancé, un acteur américain fut sélectionné : Martin Kove. Mais rien n’a abouti ; les péripéties de la mise au point de ce projet, racontées par JMC, ressemblent à un film policier à elles seules… Finalement, rien n’est sorti de tous ces efforts qui ont coûté à JMC des milliers de dollars en frais divers. Voir aussi plus haut un projet télévisé. Signalons également l'adaptation cinématographique de Blueberry par le réalisateur Jan Kounen au début des années 2000 - soit longtemps, là encore, après la disparition de JMC. Librement inspiré du personnage, le film reprenait quelques éléments de la double aventure La Mine de l'Allemand perdu et Le Spectre aux balles d'or. L’acteur Martin Kove (ici dans un autre film western que le projet Blueberry). Photo David King.